Exportations des matières recyclables : état de la situation et prise en charge locale

nuage mots Tout porte à croire que l’actualité de 2018 en gestion des matières résiduelles sera foisonnante. Déjà, le bannissement des sacs de plastique à Montréal et les nouvelles barrières chinoises à l’importation de matières recyclables ont fait couler beaucoup d’encre.

Une importante étape dans la lutte contre l’obsolescence programmée vient également d’être franchie : l’association française Halte à l’obsolescence programmée a officiellement déposé une poursuite contre Apple le 27 décembre dernier. De plus, l’organisme Équiterre annonçait en octobre qu’il commençait à travailler sur le dossier de l’obsolescence, et qu’une étude menée par l’Observatoire de la consommation responsable serait présentée en mars 2018.

Avec la mise en œuvre de leurs Plans de gestion des matières résiduelles, les municipalités du Québec auront également beaucoup de pain sur la planche! Il y a fort à parier que la gestion des matières compostables sera au cœur des actions mises en œuvre cette année, puisque le gouvernement du Québec a annoncé son intention d’interdire leur enfouissement et leur incinération d’ici 2022.

Et, finalement, nous ne manquerons certainement pas d’inspiration avec le foisonnement des projets citoyens et des entreprises à vocation environnementale !

Je vous propose une série d’articles pour présenter en détail ces dossiers chauds, qui commence aujourd’hui par l’épineux enjeu de l’exportation des matières recyclables.

Gestion des matières recyclables : de l’exportation à la prise en charge locale

Papier carton

En 2016, le Canada a exporté plus de 1,2 millions de tonnes de papiers et cartons recyclables en Chine. Au Québec en 2015, c’est plus de 60% des matières recyclables qui étaient vendues par les centres de tri hors Québec ou à des courtiers, comparativement à 52% en 2012.

Évolution des exportations 2007-2015Considérant que 87,5% des matières provenant de la collecte sélective municipale vendues par les centres de tri sont constituées de papier et du carton, c’est une importante proportion de ces matières qui voyage jusqu’en Chine pour être retriée et réintégrée dans un processus de fabrication.

Répartition ventes matièresOr, depuis le 1er janvier 2018, la Chine a ajouté plusieurs matières recyclables à son Catalogue des déchets solides dont l’importation en Chine est interdite, notamment : les déchets de papier mixtes ou non triés, le carton, certains déchets de matières plastiques et des chargements de matières mixtes.

Dans les faits, cette décision peut avoir un impact considérable sur les modèles d’affaires de certains centres de tri de matières recyclables qui se basent en partie – plus ou moins importante – sur la vente hors Québec.

Comme présenté dans le cas du papier et du carton qui est exporté en très grande proportion, certains matériaux sont plus vulnérables que d’autres aux fluctuations du marché international des matières secondaires. Par exemple, dans un précédent article, je vous présentais la situation des contenants multicouches (plus communément appelé les Tetra pak). Ces matières sont exportées à plus de 95%. Advenant le cas où le pays qui s’approvisionne décidait de cesser de le faire, les conséquences pourraient être importantes en la presque absence de débouchés locaux.

Le 11 janvier dernier, j’ai eu l’occasion de discuter de cet enjeu d’actualité dans le cadre d’émissions radiophoniques de Radio-Canada. L’animateur Philippe Marcoux de l’émission Les Matins d’ici faisait judicieusement remarquer :  »Mais est-ce que la solution ne serait pas d’arrêter d’avoir des matières recyclables à envoyer? »

Pour écouter mon entrevue à Radio-Canada sur le sujet, c’est ici !

Il est vrai que la meilleure solution est toujours de générer moins, et de réduire la quantité de matières que nous consommons! Il est aussi vrai qu’il y a encore bien de la marge de manœuvre à ce sujet considérant que l’on élimine en moyenne l’équivalent de 685 kg de matières résiduelles par personne par année au Québec. Plusieurs solutions pour réduire à la source existent et continuent de se développer – et c’est parfait comme ça! Des actions à court terme sont toutefois nécessaires pour éviter que les matières qui étaient vendues hors pays se retrouvent à l’enfouissement.

Des centres de tri s’activent pour trouver des solutions!

En 2015, il y avait au Québec 29 centres de tri qui géraient des matières recyclables issues de la collecte sélective municipale. Ce nombre tend à diminuer avec le temps car certains centres de tri prennent de l’ampleur, accueillent plus de matières et investissent pour mettre en place des technologies de tri permettant d’obtenir des matières de meilleure qualité à la sortie du processus. Voici deux exemples d’importants centres de tri qui sont moins dépendants aux aléas du marché chinois.

Gaudreau environnement opère l’un des plus grands centres de tri du Québec et dessert 200 municipalités et municipalités régionales de comté (MRC) à travers la province. Depuis plusieurs années déjà, le centre de tri de Victoriaville fait principalement affaire avec des acheteurs locaux pour ses matières recyclables. En 2015, plus de 90% du papier et du carton étaient vendus à l’usine de Cascades à Kingsey Falls et une bonne partie du plastique et des métaux est vendue à des entreprises qui en assurent le recyclage dans la région.

La Société Via, qui opère les centres de tri de Québec, de Lévis et de Rivière-du-Loup et traite annuellement près de 115 000 tonnes de matières recyclables, a procédé récemment à d’importants investissements au niveau des technologies de tri pour accroître la qualité des matières au bout de la chaîne. L’implantation de nouvelles technologies a permis à l’entreprise d’économie sociale de diversifier ses marchés et de réduire sa dépendance à l’exportation en Chine. En octobre dernier, le PDG de l’entreprise mentionnait que 70% de l’ensemble des matières recyclables transigeant par le centre de tri était vendu au Québec.

S’il y a du pain sur la planche pour s’assurer de la bonne gestion des matières recyclables dans ce contexte particulier, certains agissent déjà concrètement pour réduire leur dépendance aux exportations et trouver des acheteurs locaux en améliorant la qualité du tri. Cette transition est particulièrement intéressante dans une perspective de responsabilisation quant à la gestion de nos matières résiduelles. En effet, lorsqu’elles sont exportées, leur traçabilité est limitée et nous n’avons pas de garantie quant au respect de normes du travail et de normes environnementales équivalentes à celles que nous nous sommes fixées au Québec.

C’est donc avec optimisme que je vous propose d’entrevoir cette situation : cette nouvelle législation n’est-elle pas une opportunité à saisir pour que le modèle de la gestion des matières recyclables au Québec soit revu afin d’être plus responsable aux niveaux social et environnemental?

Dans le prochain article, j’aborderai en détail la question du bannissement des sacs de plastique!

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Une réflexion sur « Exportations des matières recyclables : état de la situation et prise en charge locale »

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